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six avenues dont la réunion formait une demi-lune. Au centre de cette demi-lune s’élevait un obélisque surmonté d’un soleil jadis doré, qui, d’un côté, présentait les armes de Navarre, et de l’autre celles de la comtesse de Moret. Une autre demi-lune, pratiquée au bord de l’Avonne, correspondait à celle du rendez-vous par une allée droite au bout de laquelle se voyait la croupe anguleuse de ce pont à la vénitienne.

Entre deux belles grilles, d’un caractère semblable à celui de la magnifique grille si malheureusement démolie à Paris et qui entourait le jardin de la place Royale, s’élevait un pavillon en briques, à chaînes de pierre taillée, comme celle du château, en pointes de diamant, à toit très-aigu, dont les fenêtres offraient des encadrements en pierres taillées de la même manière. Ce vieux style, qui donnait au pavillon un caractère royal, ne va bien, dans les villes, qu’aux prisons ; mais au milieu des bois il reçoit de l’entourage une splendeur particulière. Un massif formait un rideau derrière lequel le chenil, une ancienne fauconnerie, une faisanderie, et les logements des piqueurs tombaient en ruines, après avoir fait l’admiration de la Bourgogne.

En 1595, de ce splendide pavillon, partit une chasse royale, précédée de ces beaux chiens affectionnés par Paul Véronèse et par Rubens, où piaffaient les chevaux à grosse croupe bleuâtre et blanche et satinée qui n’existent que dans l’œuvre prodigieuse de Wouwermans, suivie de ces valets en grande livrée, animée par ces piqueurs à bottes en chaudron et en culottes de peau jaune qui meublent les Vandermeulen. L’obélisque élevé pour célébrer le séjour du Béarnais et sa chasse avec la belle comtesse de Moret en donnait la date au-dessous des armes de Navarre. Car cette jalouse maîtresse, dont le fils fut légitimé, ne voulut pas y voir figurer les armes de France, sa condamnation.

Au moment où le général aperçut ce magnifique monument, la mousse verdissait les quatre pans du toit. Les pierres des chaînes rongées par le temps paraissaient crier à la profanation par mille bouches ouvertes. Les vitraux de plomb disjoints laissaient tomber les verres octogones des croisées qui semblaient éborgnées. Des giroflées jaunes fleurissaient entre les balustres, des lierres glissaient leurs griffes blanches et poilues dans tous les trous.

Tout accusait cette ignoble incurie, le cachet mis par les usufruitiers à tout ce qu’ils possèdent. Deux croisées au premier étage étaient bouchées par du foin. Par une fenêtre du rez-de-chaussée,