Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1855, tome 18.djvu/333

Cette page n’a pas encore été corrigée

Ville-aux-Fayes, jusqu’à ce qu’il se batte avec moi pour pouvoir le tuer comme un chien !

— Monsieur le comte, Gaubertin n’est pas si sot que de se commettre avec vous. D’ailleurs, on n’insulte pas impunément le maire d’une Sous-Préfecture aussi importante que La-Ville-aux-Fayes.

— Je le ferai destituer, les Troisville me soutiendront, il s’agit de mes revenus…

— Vous n’y réussiriez pas, Gaubertin a les bras bien longs ! et vous vous seriez créé des embarras d’où vous ne pourriez plus sortir…

— Et le procès ?… dit le général, il faut songer au présent.

— Monsieur le comte, je vous le ferai gagner, dit Sibilet d’un petit air entendu.

— Brave Sibilet, dit le général en donnant une poignée de main à son régisseur. Et comment ?

— Vous le gagnerez à la Cour de cassation, par la procédure. Selon moi, les Gravelot ont raison, mais il ne suffit pas d’être fondé en Droit et en Fait, il faut s’être mis en règle par la Forme, et ils ont négligé la Forme qui toujours emporte le Fond. Les Gravelot devaient vous mettre en demeure de mieux garder les bois. On ne demande pas une indemnité à fin de bail relativement à des dommages reçus pendant une exploitation de neuf ans, il se trouve un article du bail dont on peut exciper à cet égard. Vous perdrez à La-Ville-aux-Fayes, vous perdrez peut-être encore à la Cour ; mais vous gagnerez à Paris. Vous aurez des expertises coûteuses, des frais ruineux. Tout en gagnant, vous dépenserez plus de douze à quinze mille francs ; mais vous gagnerez, si vous tenez à gagner. Ce procès ne vous conciliera pas les Gravelot, car il sera plus ruineux pour eux que pour vous, vous deviendrez leur bête noire, vous passerez pour processif, on vous calomniera ; mais vous gagnerez…

— Que faire ? répéta le général sur qui les argumentations de Sibilet produisaient l’effet des plus violents topiques.

Dans ce moment, en se souvenant des coups de cravache sanglés à Gaubertin, il aurait voulu se les être donnés à lui-même, et il montrait sur son visage en feu tous ses tourments à Sibilet.

— Que faire, monsieur le comte ?… Il n’y a qu’un moyen, transiger ; mais vous ne pouvez pas transiger par vous-même. Je