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les changements que l’architecte eut l’ordre d’exécuter et par un délicieux mobilier envoyé de Paris. Les Aigues reçurent alors ce dernier cachet qui les rendit un monument unique des diverses élégances de cinq siècles.

En 1821, le général fut presque sommé d’arriver avant le mois de mai par Sibilet. Il s’agissait d’affaires graves. Le bail de neuf ans et de trente mille francs, passé en 1812 par Gaubertin avec un marchand de bois, finissait au 15 mai de cette année.

Ainsi d’abord, Sibilet, jaloux de sa probité, ne voulait pas se mêler du renouvellement du bail. — " Vous savez, monsieur le comte, écrivait-il, que je ne bois pas de ce vin-là. " - Puis, le marchand de bois prétendait à l’indemnité partagée avec Gaubertin, et que mademoiselle Laguerre s’était laissé arracher en haine des procès. Cette indemnité se fondait sur la dévastation des bois par les paysans qui traitaient la forêt des Aigues, comme s’ils y avaient droit d’affouage. Messieurs Gravelot frères, marchands de bois à Paris, se refusaient à payer le dernier terme, en offrant de prouver, par experts, que les bois présentaient une diminution d’un cinquième, et ils arguaient du mauvais précédent établi par mademoiselle Laguerre.

" J’ai déjà, disait Sibilet dans sa lettre, assigné ces messieurs au tribunal de La-Ville-aux-Fayes, car ils ont élu domicile, à raison de ce bail, chez mon ancien patron, maître Corbinet. Je redoute une condamnation. "

— Il s’agit de nos revenus, ma belle, dit le général en montrant la lettre à sa femme, voulez-vous venir plus tôt que l’année dernière aux Aigues ?

— Allez-y, je vous rejoindrai dès les premiers beaux jours, répondit la comtesse qui fut assez contente de rester seule à Paris.

Le général qui connaissait la plaie assassine par laquelle la fleur de ses revenus était dévorée, partit donc seul avec l’intention de prendre des mesures vigoureuses. Mais le général comptait, comme on va le voir, sans son Gaubertin.


VIII. Les grandes révolutions d’une petite vallée

— Eh ! bien, maître Sibilet, disait le général à son régisseur le lendemain de son arrivée en lui donnant un surnom familier qui prouvait combien il appréciait les connaissances de l’ancien clerc,