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— Je le sais bien, répondit le garde, et je vous aurais bien servi. Dam ! quand on se connaît depuis vingt ans ! Vous m’avez mis ici, du temps de cette pauvre chère sainte madame. Ah ! qué bonne femme ! on n’en fait plus comme ça… Le pays a perdu sa mère…

— Dis donc, Courtecuisse, si tu veux, tu peux nous bailler un fier coup de main ?

— Vous restez donc dans le pays ? on nous disait que vous alliez à Paris !

— Non, en attendant la fin des choses, je ferai des affaires à La-Ville-aux-Fayes… Le général ne se doute pas de ce que c’est que le pays, et il y sera haï, vois-tu… Faut voir comment cela tournera. Fais mollement ton service, il te dira de mener les gens à la baguette, car il voit bien par où coule la vendange.

— Il me renverra, mon cher monsieur Gaubertin, et vous savez comme je suis heureux à la Porte d’Avonne…

— Le général se dégoûtera bientôt de sa propriété, lui dit Gaubertin, et tu ne seras pas longtemps dehors, si par hasard il te renvoyait. D’ailleurs, tu vois bien ces bois-là… dit-il en montrant le paysage, j’y serai plus fort que les maîtres !…

Cette conversation avait lieu dans un champ.

— Ces Arminacs de Parisiens devraient bien rester dans leurs boues de Paris… dit le garde.

Depuis les querelles du quinzième siècle, le mot Arminacs (Armagnacs, les Parisiens, antagonistes des ducs de Bourgogne), est resté comme un terme injurieux sur la lisière de la Haute-Bourgogne, où, selon les localités, il s’est différemment corrompu.

— Il y retournera, mais battu ! dit Gaubertin, et nous cultiverons un jour le parc des Aigues, car c’est voler le peuple que de consacrer à l’agrément d’un homme, neuf cents arpents des meilleures terres de la vallée !

— Ah ! dam ! ça ferait vivre quatre cents familles,… dit Courtecuisse.

— Si tu veux deux arpents, à toi, là-dedans, il faut nous aider à mettre ce mâtin-là hors la loi !…

Au moment où Gaubertin fulminait cette sentence d’excommunication, le respectable juge-de-paix présentait au célèbre colonel