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On ne peut se figurer, à moins d’être louche, et d’avoir deux enfants en légitime mariage, ce que trois années de souffrances entremêlées d’amour, avaient développé d’ambition chez ce garçon dont l’esprit et le regard louchaient également, dont le bonheur était mal assis, pour ne pas dire boiteux. Le plus grand élément des mauvaises actions secrètes, des lâchetés inconnues, est peut-être un bonheur incomplet. L’homme accepte peut-être mieux une misère sans espoir que ces alternatives de soleil et d’amour à travers des pluies continuelles. Si le corps y gagne des maladies, l’âme y gagne la lèpre de l’envie. Chez des petits esprits, cette lèpre tourne en cupidité lâche et brutale à la fois, à la fois audacieuse et cachée ; chez les esprits cultivés, elle engendre des doctrines anti-sociales dont on se sert comme d’une escabelle pour dominer ses supérieurs. Ne pourrait-on pas faire un proverbe de ceci ? " Dis-moi ce que tu as, je te dirai ce que tu penses. "

Tout en aimant sa femme, Adolphe se disait à toute heure : " J’ai fait une sottise ! J’ai trois boulets et je n’ai que deux jambes. Il fallait avoir gagné ma fortune avant de me marier. On trouve toujours une Adeline, et Adeline m’empêchera de trouver une fortune. "

Adolphe, parent de Gaubertin, était venu lui faire trois visites en trois ans. A quelques paroles, Gaubertin reconnut dans le cœur de son allié cette boue qui veut se cuire aux brûlantes conceptions du vol légal. Il sonda malicieusement ce caractère propre à se courber aux exigences d’un plan pourvu qu’il y trouvât sa pâture. A chaque visite Sibilet grognait.

— Employez-moi donc, mon cousin ? disait-il, prenez-moi pour commis, et faites-moi votre successeur. Vous me verrez à l’œuvre ! Je suis capable d’abattre des montagnes pour donner à mon Adeline, je ne dirai pas le luxe, mais une aisance modeste. Vous avez fait la fortune de monsieur Leclercq, pourquoi ne me placeriez-vous pas à Paris dans la banque ?

— Nous verrons plus tard, je te caserai, répondait le parent ambitieux, acquiers des connaissances, tout sert !

En de telles dispositions, la lettre par laquelle madame Soudry écrivit à son protégé d’arriver en toute hâte, fit accourir Adolphe à Soulanges, à travers mille châteaux en Espagne.

Sarcus père, à qui les Soudry démontrèrent la nécessité de faire une démarche dans l’intérêt de son gendre, était allé, le lendemain même, se présenter au général et lui proposer Adolphe