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— A sept heures et demie.

Michaud lança un regard presque malicieux à son général.

— Et par quelle porte monsieur est-il sorti ? dit Michaud.

— Par la porte de Couches. Le garde, en chemise à sa fenêtre, me regardait, répondit Blondet.

— Gaillard venait sans doute de se coucher, répliqua Michaud. Quand vous m’avez dit que vous étiez sorti de bonne heure, j’ai cru que vous vous étiez levé au jour, et alors il eût fallu, pour que mon garde fût déjà rentré, qu’il eût été malade ; mais à (sept) heures et demie, il allait se mettre au lit. Nous passons les nuits, reprit Michaud après une pause en répondant ainsi à un regard étonné de la comtesse, mais cette vigilance est toujours en défaut ! Vous venez de faire donner vingt-cinq francs à un homme qui tout à l’heure aidait tranquillement à cacher les traces d’un vol commis ce matin chez vous. Enfin, nous en causerons quand vous aurez fini, mon général, car il faut prendre un parti.

— Vous êtes toujours plein de votre droit, mon cher Michaud, et, summum jus, summa injuria. Si vous n’usez pas de tolérance, vous vous ferez de mauvaises affaires, dit Sibilet. J’aurais voulu que vous entendissiez le père Fourchon, que le vin a fait parler un peu plus franchement que de coutume.

— Il m’a effrayée, dit la comtesse.

— Il n’a rien dit que je ne sache depuis longtemps, répondit le général.

— Et le coquin n’était pas gris, il a joué son rôle, au profit de qui ?… vous le savez peut-être ! reprit Michaud en faisant rougir Sibilet par le regard fixe qu’il lui jeta.

— O Rus !… s’écria Blondet en guignant l’abbé Brossette.

— Ces pauvres gens souffrent, dit la comtesse, et il y a du vrai dans ce que vient de nous crier Fourchon, car on ne peut pas dire qu’il nous ait parlé.

— Madame, répondit Michaud, croyez-vous que pendant quatorze ans les soldats de l’Empereur aient été sur des roses ?… Mon général est comte, il est grand-officier de la Légion, il a eu des dotations ; me voyez-vous jaloux de lui, moi simple sous-lieutenant, qui ai débuté comme lui, qui me suis battu comme lui ? Ai-je envie de lui chicaner sa gloire, de lui voler sa dotation, de lui refuser les honneurs dus à son grade ? Le paysan doit obéir comme les soldats obéissent, il doit avoir la probité du soldat, son respect pour les droits acquis et tâcher de devenir