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Vermichel s’appelait Michel Vert, mais le calembourg fait avec le nom vrai devint d’un usage si général, que, dans ses actes, Brunet, huissier audiencier de la justice de paix de Soulanges, mettait Michel, Jean, Jérôme Vert, dit Vermichel, praticien. Vermichel, violon très-distingué de l’ancien régiment de Bourgogne, par reconnaissance des services que lui rendait le papa Fourchon, lui avait procuré cette place de praticien dévolue à ceux qui, dans les campagnes, savent signer leur nom. Le père Fourchon servait donc de témoin ou de praticien pour les actes judiciaires, quand le sieur Brunet venait instrumenter dans les communes de Cerneux, Couches et Blangy. Vermichel et Fourchon, liés par une amitié qui comptait vingt ans de bouteille, constituaient presque une raison sociale.

Mouche et Fourchon, unis par le Vice comme Mentor et Télémaque le furent jadis par la Vertu, voyageaient, comme eux, à la recherche de leur pain, Panis angelorum, seuls mots latins qui restassent dans la mémoire du vieux Figaro villageois. Ils allaient haricotant les restes du Grand-I-Vert, ceux des châteaux ; car, à eux deux, dans les années les plus occupées, les plus prospères, ils n’avaient jamais pu fabriquer en moyenne trois cent soixante brasses de corde. D’abord, aucun marchand, dans un rayon de vingt lieues, n’aurait confié d’étoupe ni à Fourchon, ni à Mouche. Le vieillard, devançant les miracles de la Chimie moderne, savait trop bien changer l’étoupe en benoît jus de treille. Puis, ses triples fonctions d’écrivain public de trois communes, de praticien de la justice de paix, de joueur de clarinette, nuisaient, disait-il, aux développements de son commerce.

Ainsi Tonsard fut déçu tout d’abord dans l’espérance, assez joliment caressée, de conquérir une espèce de bien-être par l’augmentation de ses propriétés. Le gendre paresseux rencontra, par un accident assez ordinaire, un beau-père fainéant. Les affaires devaient aller d’autant plus mal que la Tonsard, douée d’une espèce de beauté champêtre, grande et bien faite, n’aimait point à travailler en plein air. Tonsard s’en prit à sa femme de la faillite paternelle, et la maltraita par suite de cette vengeance familière au peuple dont les yeux, uniquement occupés de l’effet, remontent rarement jusqu’à la cause.

En trouvant sa chaîne pesante, cette femme voulut l’alléger. Elle se servit des vices de Tonsard pour se rendre maîtresse de lui.