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de France, par l’an 1830, qui ne s’est pas souvenu que Napoléon a préféré les chances de son malheur à l’armement des masses.

Si j’ai, pendant huit ans, cent fois quitté, cent fois repris ce livre, le plus considérable de ceux que j’ai résolu d’écrire, c’est que tous mes amis, comme vous-même, ont compris que le courage pouvait chanceler devant tant de difficultés, tant de détails mêlés à ce drame doublement terrible et si cruellement ensanglanté ; mais, au nombre des raisons qui me rendent aujourd’hui presque téméraire, comptez le désir d’achever une œuvre destinée à vous donner un témoignage de ma vive et durable reconnaissance pour un dévouement qui fut une de mes plus grandes consolations dans l’infortune.

DE BALZAC.





PREMIÈRE PARTIE

QUI TERRE A, GUERRE A


I. — LE CHÂTEAU.


À MONSIEUR NATHAN.


Aux Aigues, 6 août 1823.


» Toi qui procures de délicieux rêves au public avec tes fantaisies, mon cher Nathan, je vais te faire rêver avec du vrai. Tu me diras si jamais le siècle actuel pourra léguer de pareils songes aux Nathan et aux Blondet de l’an 1923 ! Tu mesureras la distance à laquelle nous sommes du temps où les Florine du dix-huitième siècle trouvaient, à leur réveil, un château comme les Aigues, dans un contrat.

» Mon très cher, si tu reçois ma lettre dans la matinée, vois-tu de ton lit, à cinquante lieues de Paris environ, au commencement de la Bourgogne, sur une grande route royale, deux petits pavillons en brique rouge, réunis ou séparés par une barrière peinte en vert ?… Ce fut là que la diligence déposa ton ami.

» De chaque côté des pavillons, serpente une haie vive d’où s’échappent des ronces semblables à des cheveux follets. Çà et là, une pousse d’arbre s’élève insolemment. Sur le talus du fossé,