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devez pardonner ; mais moi, je suis responsable du voleur… et quand j’étais procureur-général, je ne pardonnais jamais !… — Vous tuerez votre fille ! a dit Halpersohn que j’écoutais. Mon père a gardé le silence. — Mais qui donc vous a secourus ?

— Un monsieur que nous croyons chargé de répandre les bienfaits de la reine.

— Comment est-il ? demanda Godefroid.

— C’est un homme solennel et sec, triste dans le genre de mon père… C’est lui qui fit transporter mon père dans la maison où nous sommes, lorsqu’il fut atteint de sa fièvre chaude. Figurez-vous que, dès que mon père fut rétabli, l’on m’a retirée de la maison de santé et installée là, où je me suis retrouvée dans ma chambre, comme si je ne l’avais pas quittée. Halpersohn, que ce grand monsieur a séduit, je ne sais comment, m’a donc alors appris toutes les souffrances endurées par mon père ! Et les diamants vendus de sa tabatière ! mon fils et mon père la plupart du temps sans pain et faisant les riches en ma présence… Oh ! monsieur Godefroid !… Ces deux êtres-là sont des martyrs… Que puis-je dire à mon père ?… Entre mon fils et lui, je ne peux que leur rendre la pareille en souffrant pour eux, comme eux.

— Et ce grand monsieur n’a-t-il pas un peu l’air militaire ?…

— Ah ! vous le connaissez !… lui cria Vanda sur le pas de la porte de sa maison.

Elle saisit Godefroid par la main avec la vigueur d’une femme lorsqu’elle éprouve une attaque de nerfs, elle le traîna dans un salon dont la porte s’ouvrit, et cria :

— Mon père ! monsieur Godefroid connaît ton bienfaiteur.

Le baron Bourlac, que Godefroid aperçut vêtu comme devait l’être un ancien magistrat d’un rang si éminent, se leva, tendit la main à Godefroid et dit :

— Je m’en doutais !

Godefroid fit un geste de dénégation, quant aux effets de cette noble vengeance ; mais le procureur-général ne lui laissa pas le temps de parler.

— Ah ! monsieur, dit-il en continuant, il n’y a que la Providence de plus puissante, que l’amour de plus ingénieux, que la maternité de plus clairvoyante que vos amis qui tiennent de ces trois grandes divinités… je bénis le hasard à qui nous devons notre rencontre ; car monsieur Joseph a disparu pour toujours, et