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à-compte sur sa part ; aussi mon père achète-t-il la maison où nous sommes. Le ministère de la justice me fait une pension de douze cents francs, à titre de secours annuels à la fille d’un ancien magistrat ; mon père a sa pension de mille écus ; il a cinq mille francs comme professeur. Nous sommes si économes, que nous serons presque riches. Mon Auguste va commencer son droit dans deux mois ; mais il est employé au parquet du procureur-général, et gagne douze cents francs… Ah ! monsieur Godefroid, ne parlez pas de la malheureuse affaire de mon Auguste. Moi, je le bénis tous les matins pour cette action que son grand-père ne lui pardonne pas encore ! sa mère le bénit, Halpersohn l’adore, et l’ancien procureur-général est implacable.

— Quelle affaire ? dit Godefroid.

— Ah ! je reconnais bien là votre générosité ! s’écria Vanda. Quel noble cœur vous avez !… Votre mère doit être fière de vous !…

Elle s’arrêta, comme si elle avait ressenti des douleurs dans le cœur.

— Je vous jure que je ne sais rien de l’affaire dont vous me parlez, dit Godefroid.

— Ah ! vous ne la connaissez pas !

Et elle raconta naïvement, en admirant son fils, l’emprunt fait par Auguste au docteur.

— Si nous ne pouvons rien dire de cela devant monsieur le baron Bourlac, fit observer Godefroid, racontez-moi comment votre fils s’en est tiré…

— Mais, répondit Vanda, je vous ai dit, je crois, qu’il est employé chez le procureur-général, qui lui témoigne la plus grande bienveillance. Il n’est pas resté plus de quarante-huit heures à la Conciergerie, où il avait été mis chez le directeur. Le bon docteur qui n’a trouvé la belle, la sublime lettre d’Auguste que le soir a retiré sa plainte ; et, par l’intervention d’un ancien président de la cour royale que mon père n’a jamais vu, le procureur-général a fait anéantir le procès-verbal du commissaire de police et le mandat de dépôt. Enfin il n’existe aucune trace de cette affaire que dans mon cœur, dans la conscience de mon fils et dans la tête de son grand-père, qui, depuis ce jour, dit vous à Auguste, et le traite comme un étranger. Hier encore, Halpersohn demandait grâce pour lui ; mais mon père, qui me refuse, moi qu’il aime tant, a répondu : — Vous êtes le volé ; vous pouvez, vous