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Auguste était si bien mis, si joli, si coquet, si fier de donner le bras à cette femme, que, sans les souvenirs auxquels il s’abandonnait, il ne l’aurait pas reconnu.

— Hé ! c’est ce cher monsieur Godefroid, dit la dame. En entendant les notes célestes de l’organe enchanteur de Vanda qui marchait, Godefroid resta cloué par les pieds à la place où il était.

— Guérie !… dit-il.

— Depuis dix jours, il m’a permis de marcher !… répondit-elle.

— Halpersohn ?

— Oui ! dit-elle. Hé, comment n’êtes-vous pas venu nous voir ? reprit-elle… Oh ! vous avez bien fait ! Mes cheveux n’ont été coupés qu’il y a huit jours ! Ceux que vous me voyez sont une perruque ; mais le docteur m’a juré qu’ils repousseraient !… Mais combien n’avons-nous pas de choses à nous dire !… Venez donc dîner avec nous !… Oh ! votre accordéon !… Oh ! monsieur…

Et elle porta son mouchoir à ses yeux.

— Je le garderai toute ma vie ! mon fils le conservera comme une relique ! Mon père vous a cherché dans tout Paris ; il est, d’ailleurs, à la recherche de ses bienfaiteurs inconnus ; il mourra de chagrin si vous ne l’aidez pas à les retrouver… Il est rongé par une mélancolie noire dont je ne triomphe pas tous les jours.

Autant séduit par la voix de cette délicieuse femme rappelée de la tombe, que par la voix d’une fascinante curiosité, Godefroid prit le bras que lui tendit la baronne de Mergi, qui laissa son fils aller en avant, chargé par elle d’une commission par un signe de tête, que le jeune homme avait compris.

— Je ne vous emmène pas bien loin, nous demeurons allée d’Antin, dans une jolie maison bâtie à l’anglaise ; nous l’occupons tout entière ; chacun de nous a tout un étage. Oh ! nous sommes très-bien. Mon père croit que vous êtes pour beaucoup dans les félicités qui nous accablent !…

— Moi !…

— Ne savez-vous pas que l’on a créé pour lui, sur un rapport du ministre de l’instruction publique, une chaire de législation comparée à la Sorbonne ? Mon père commencera son premier cours au mois de novembre prochain. Le grand ouvrage auquel il travaillait paraîtra dans un mois, car la maison Cavalier le publie en partageant les bénéfices avec mon père, et elle lui a remis trente mille francs