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— Est-il vrai que vous m’ayez fait saisir hier ?…

— Vous n’étiez donc pas rentré chez vous depuis deux jours ? demanda Barbet ; mais un procureur-général sait bien ce que c’est que la dénonciation de la contrainte par corps…

En entendant cette phrase, le baron salua froidement Barbet, et revint vers sa maison en pensant que le garde du commerce était là sans doute pour les auteurs cachés au deuxième étage. Il allait lentement, perdu dans de vagues appréhensions : car, à mesure qu’il marchait, les paroles de Népomucène lui paraissaient de plus en plus obscures, inexplicables. Godefroid pouvait-il bien l’avoir trahi ! Il prit machinalement par la rue Notre-Dame-des-Champs et rentra par la petite porte, qu’il trouva par hasard ouverte, et heurta Népomucène.

— Ah ! monsieur, arrivez donc ! On emmène monsieur Auguste en prison ! Il a été pris sur le boulevard : c’est lui qu’on cherchait ; il a été interrogé…

Le vieillard bondit comme un tigre, passa de l’allée sur le boulevard en traversant la maison et le jardin comme une flèche, et il put arriver assez à temps pour voir son petit-fils montant en fiacre entre trois hommes.

— Auguste, dit-il, qu’est-ce que cela veut dire ?

Le jeune homme fondit en larmes et s’évanouit.

— Monsieur, je suis le baron Bourlac, ancien procureur-général, dit-il au commissaire de police dont l’écharpe frappa son regard ; de grâce expliquez-moi ceci…

— Monsieur, si vous êtes le baron Bourlac, vous comprendrez tout en deux mots : je viens d’interroger ce jeune homme, et il a malheureusement avoué…

— Quoi ?…

— Un vol de quatre mille francs fait chez le docteur Halpersohn.

— Est-il possible ! Auguste ?

— Grand-papa, je lui ai envoyé en nantissement votre tabatière de diamants, je voulais vous sauver de l’infamie d’aller en prison.

— Ah ! malheureux, qu’as-tu fait ! s’écria le baron. Les diamants sont faux, car j’ai vendu les vrais depuis trois ans.

Le commissaire de police et son greffier se regardèrent d’une singulière façon. Ce regard, plein de choses, surpris par le baron Bourlac, le foudroya.