Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1855, tome 18.djvu/205

Cette page n’a pas encore été corrigée

que votre grand-père vient de partir avec un brancard couvert… Ça ne nous étonne pas ! mais il est dans son droit. Je suis huissier, je viens tout saisir ici… Lundi, vous avez eu sommation de payer trois mille francs de principal, plus les frais, à monsieur Métivier, sous peine de la contrainte par corps que nous avons dénoncée ; et comme un ancien marchand d’ognons se connaît en ciboules, le débiteur a pris la clef des champs pour éviter celle de Clichy. Mais si nous ne l’avons pas, nous aurons pied ou aile de son riche mobilier, car nous savons tout, jeune homme… et nous allons verbaliser…

— Voilà des papiers timbrés que votre grand-papa n’a jamais voulu prendre, dit alors la Vauthier en fourrant dans la main d’Auguste trois exploits.

— Restez, madame, nous allons vous constituer gardienne judiciaire. La loi vous accorde quarante sous par jour ; ce n’est pas à dédaigner.

— Ah ! je verrai donc ce qu’il y a dans la belle chambre !… s’écria la Vauthier. — Vous n’entrerez pas dans la chambre de ma mère ! s’écria d’une voix formidable le jeune homme en s’élançant entre la porte et les trois hommes noirs.

Sur un signe de l’huissier, les deux praticiens et le premier clerc qui survint saisirent Auguste.

— Pas de rébellion, jeune homme ! vous n’êtes pas le maître ici ; nous dresserions procès-verbal, et vous iriez coucher à la Préfecture…

En entendant ce mot redoutable, Auguste fondit en larmes.

— Ah ! quel bonheur, disait-il, que maman soit partie ! cela l’aurait tuée !

Une espèce de conférence se tenait entre les praticiens, l’huissier et la Vauthier. Auguste comprit, quoiqu’ils parlaient à voix basse, qu’on voulait surtout saisir les manuscrits de son grand-père ; et il ouvrit alors la porte de la chambre.

— Entrez, messieurs, et ne gâtez rien, dit-il. On vous paiera demain matin.

Puis il s’en alla tout pleurant dans le taudis, où, saisissant les notes de son grand-père, il les mit dans le poêle, qu’il savait être sans une étincelle de feu.

Cette action fut faite si rapidement que l’huissier, gaillard fin, rusé, digne de ses clients Barbet et Métivier, trouva le jeune homme en pleurs sur sa chaise, lorsqu’il se précipita dans le taudis,