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Halpersohn, qui passa, pendant cinq ou six ans, pour un médicastre, à cause de ses poudres, de ses médecines, possédait la science innée des grands médecins. Non-seulement il était savant et avait beaucoup observé, mais encore il avait parcouru l’Allemagne, la Russie, la Perse, la Turquie, où il avait recueilli bien des traditions ; et comme il connaissait la chimie, il devint la bibliothèque vivante de ces secrets épars chez les bonnes femmes, comme on dit en France, de tous les pays où il avait porté ses pas, à la suite de son père, marchand ambulant de son état.

Il ne faut pas croire que la scène où, dans Richard en Palestine, Saladin guérit le roi d’Angleterre, soit une fiction. Halpersohn possède une bourse de soie qu’il trempe dans l’eau pour la colorer légèrement, et certaines fièvres cèdent à cette eau bue par le malade. La vertu des plantes, selon cet homme, est infinie, et les guérisons des plus affreuses maladies sont possibles. Cependant, lui, comme ses confrères, s’arrête quelquefois devant des incompréhensibilités. Halpersohn aime l’invention de l’homéopathie, plus à cause de sa thérapeutique que pour son système médical ; il correspondait alors avec Hedénius de Dresde, Chelius d’Heidelberg et les célèbres médecins allemands, tout en tenant la main fermée, quoique pleine de découvertes. Il ne voulait pas faire d’élèves.

Le cadre était d’ailleurs en harmonie avec ce portrait échappé d’une toile de Rembrandt. Le cabinet, tendu d’un papier qui simulait du velours vert, était mesquinement meublé d’un divan vert. Le tapis vert mélangé montrait la corde. Un grand fauteuil en cuir noir, pour les consultants, se trouvait devant la fenêtre, drapée de rideaux verts. Un fauteuil de bureau, de forme romaine, en acajou, et couvert d’un maroquin vert, était le siége du docteur.

Entre la cheminée et la table longue sur laquelle il écrivait, une caisse commune en fer, placée en face de la cheminée, au milieu de la paroi opposée, supportait une pendule en granit de Vienne sur laquelle s’élevait un groupe en bronze, représentant l’Amour jouant avec la Mort, le présent d’un grand sculpteur allemand qu’Halpersohn avait sans doute guéri. Le chambranle de la cheminée avait une coupe entre deux flambeaux pour tout ornement. De chaque côté du divan, deux encoignures en ébène servaient à mettre des plateaux, où Godefroid vit des cuvettes d’argent, des carafes et des serviettes.