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Vanda se mit à chanter d’un ton bas et doux une chanson en langue polonaise qui fit rester Godefroid stupide d’admiration et saisi de tristesse. Cette mélodie, assez semblable aux airs traînants et mélancoliques de la Bretagne, est une de ces poésies qui vibrent dans le cœur longtemps après qu’on les a entendues. En écoutant Vanda, Godefroid la regardait, mais il ne put soutenir les regards extatiques de ce reste de femme, quasi-folle, et il arrêta sa vue sur des glands qui pendaient de chaque côté du ciel de lit.

— Ah ! ah ! fit Vanda qui se mit à rire de l’attention de Godefroid, vous vous demandez à quoi cela sert ?

— Vanda ! dit le père, allons, calme-toi, ma fille ? tiens, voici le thé. Ceci, monsieur, est une bien coûteuse machine, dit-il à Godefroid. Ma fille ne peut pas se lever, et elle ne peut pas non plus rester dans son lit, sans qu’on le fasse ou qu’on en change les draps. Ces cordons répondent à des poulies, et en passant sous elle un carré de peau maintenu aux quatre coins par des anneaux qui s’accrochent à quatre cordes, nous pouvons l’enlever sans fatigue pour elle, ni pour nous.

— On m’enlève ! répéta follement Vanda.

Heureusement Auguste parut apportant une théière qu’il mit sur une petite table, où il déposa le cabaret de porcelaine de Sèvres et qu’il couvrit de pâtisseries, de sandwichs. Il apporta la crème et le beurre. Cette vue changea tout à fait les dispositions de la malade qui tournaient à une crise.

— Tiens, Vanda, voilà le nouveau roman de Nathan. Si tu t’éveilles cette nuit, tu auras de quoi lire.

La Perle De Dol ! Ah ! cela doit être une histoire d’amour. Auguste ! dis donc, j’aurai un accordéon.

Auguste leva la tête brusquement et regarda son grand-père d’un air singulier.

— Voyez ! comme il aime sa mère ! reprit Vanda. Viens m’embrasser, mon petit chat. Non, ce n’est pas ton grand-père, c’est monsieur que tu dois remercier, car notre voisin doit m’en prêter un demain matin. — Comment est-ce fait, monsieur ?

Godefroid, sur un signe du vieillard, expliqua longuement l’accordéon, tout en savourant le thé fait par Auguste, et qui, d’une qualité supérieure, était exquis.

Vers dix heures et demie, l’Initié se retira, lassé du spectacle de cette lutte insensée du grand-père et du fils, admirant leur héroïsme