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plus d’inscriptions que l’Académie des Belles-Lettres n’en a inventé. La portière s’arrêta sur le premier palier.

— Voici, monsieur, deux chambres contiguës et très-propres qui donnent sur le carré de monsieur Bernard. C’est le vieux monsieur en question, un homme bien comme il faut. C’est un monsieur décoré, mais qui a eu des malheurs, à ce qu’il paraît, car il ne porte jamais son décor… Ils ont d’abord été servis par un domestique qui était de la province, et ils l’ont renvoyé il y a de ça trois ans… Le jeune fils de la dame suffit pour lors à tout : il fait le ménage…

Godefroid fit un geste.

— Oh ! s’écria la portière, soyez tranquille, ils ne vous diront rien, ils ne parlent à personne. Ce monsieur est là depuis la révolution de juillet, il est venu en 1831… C’est des gens de province qui auront été ruinés par le changement de gouvernement ; ils sont fiers, ils sont taciturnes comme des poissons… Depuis quatre ans, monsieur, ils n’ont pas accepté de moi le plus petit service, de peur d’avoir à le payer… Cent sous au jour de l’an, voilà tout ce que je gagne avec eux… Parlez-moi des auteurs ? j’ai dix francs par mois rien que pour dire qu’ils sont déménagés du dernier terme à tous ceux qui viennent les demander.

Ce bavardage fit espérer à Godefroid un allié dans cette portière, qui lui dit, tout en lui vantant la salubrité des deux chambres et des deux cabinets, qu’elle n’était pas portière, mais bien la femme de confiance du propriétaire, pour qui elle gérait en quelque sorte la maison.

— On peut avoir confiance en moi, monsieur, allez ! car madame Vauthier aimerait mieux ne rien avoir que d’avoir un sou à autrui !

Madame Vauthier fut bientôt d’accord avec Godefroid, qui ne voulut louer ce logement qu’au mois et meublé. Ces misérables chambres d’étudiants ou d’auteurs malheureux se louaient meublées ou non meublées. Les vastes greniers qui s’étendaient sur tout le bâtiment contenaient les meubles. Mais monsieur Bernard avait meublé lui-même le logement qu’il occupait.

En faisant causer la dame Vauthier, Godefroid devina que son ambition était de tenir une pension bourgeoise ; mais, depuis cinq ans, elle n’avait pu rencontrer dans ses locataires un seul commensal. Elle demeurait au rez-de-chaussée sur le boulevard, et