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seule à un homme de déployer, jusque dans ses moindres actes, une liberté sans laquelle la grâce ne saurait exister. S’il mesure ses désirs sur sa puissance, il reste dans sa sphère sans avoir peur d’en déchoir. Cette sécurité d’action, qu’on pourrait nommer la conscience du bien-être, nous préserve de tous les orages occasionnés par une vanité mal entendue.

Ainsi les experts de la vie élégante ne tracent pas de longs chemins en toile verte sur leurs tapis, et ne redoutent pas, pour eux, les visites d’un vieil oncle asthmatique. Ils ne consultent pas le thermomètre pour sortir avec leurs chevaux. Également soumis aux charges de la fortune et à ses bénéfices, ils ne paraissent jamais contrariés d’un dommage ; car, chez eux, tout se répare avec de l’argent, ou se résout par le plus ou moins de peine que prennent leurs gens. Mettre un vase, une pendule en cage, couvrir ses divans de housses, ensacher un lustre, n’est-ce pas ressembler à ces bonnes gens qui, après avoir fait des tirelires pour s’acheter des candélabres, les habillent aussitôt d’une gaze épaisse ? L’homme de goût doit jouir de tout ce qu’il possède. Comme Fontenelle, il n’aime pas les choses qui veulent être trop respectées. A l’exemple de la nature, il ne craint pas d’étaler tous les jours sa splendeur ; il peut la reproduire. Aussi