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tant d’avancement aux officiers bien vêtus ?[1] N’était-il pas une preuve vivante de l’influence exercée par la mode ? Mais, quand nous pensâmes que Brummel avait, en ce moment, une vie pleine d’amertume, et que Boulogne était son rocher de Sainte-Hélène, tous nos sentiments se confondirent dans un respectueux enthousiasme.

Nous le vîmes au moment de son lever. Sa robe de chambre portait l’empreinte de son malheur ; mais, tout en s’y conformant, elle s’harmonisait admirablement avec les accessoires de l’appartement. Brummel, vieux et pauvre, était toujours Brummel : seulement, un embonpoint égal à celui de George IV avait rompu les heureuses dispositions de ce corps modèle, et l’ex-dieu du dandysme portait une perruque !… Effrayante leçon !… Brummel ainsi !… N’était-ce pas Sheridan ivre-mort au sortir du parlement ou saisi par les recors ?

Brummel en perruque ; Napoléon en jardinier ; Kant en enfance ; Louis XVI en bonnet rouge, et Charles X à Cherbourg !… Voilà les cinq plus grands spectacles de notre époque.

  1. Quand George IV voyait un militaire mis avec soin, il manquait rarement de le distinguer et de l’avancer. Aussi recevait-il fort mal les gens sans élégance. (Note de l’Auteur.)