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ment, gagner un quaterne, être fils de millionnaire, prince, sinécuriste ou cumulard.


§ II — DE LA VIE D’ARTISTE


L’artiste est une exception : son oisiveté est un travail, et son travail un repos ; il est élégant et négligé tour à tour ; il revêt, à son gré, la blouse du laboureur, et décide du frac porté par l’homme à la mode ; il ne subit pas de lois : il les impose. Qu’il s’occupe à ne rien faire, ou médite un chef-d’œuvre, sans paraître occupé ; qu’il conduise un cheval avec un mors de bois, ou mène à grandes guides les quatre chevaux d’un britschka ; qu’il n’ait pas vingt-cinq centimes à lui, ou jette de l’or à pleines mains, il est toujours l’expression d’une grande pensée et domine la société.

Quand M. Peel entra chez M. le vicomte de Chateaubriand, il se trouva dans un cabinet dont tous les meubles étaient en bois de chêne : le ministre trente fois millionnaire vit tout à coup les ameublements d’or ou d’argent massif qui encombrent l’Angleterre écrasés par cette simplicité.

L’artiste est toujours grand. Il a une élégance et une vie à lui, parce que, chez lui, tout reflète son intelligence et sa gloire. Autant d’artistes,