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INTRODUCTION

d’Arthez, du juge Popinot, du docteur Bénassis — pour ne citer que les plus connus parmi ses héros — ait surtout laissé à Balzac le renom d’inventeur de monstres. En vérité, nul mieux que lui n’a créé des âmes, nul plus que lui n’a eu le secret des vies solitaires alimentées par la seule Idée, ou martyres d’un amour.

Mais il est aussi celui qui a le mieux apprécié les puissances sociales. C’est sans railler qu’il présente la complication des intrigues et des passions ambitieuses ; l’âge et la pensée de la mort ne l’ont pas détaché ; le pessimisme noir qu’il a retiré de l’observation du monde ne lui en a pas donné le dégoût.

Un ambitieux ne serait-il pas absurde de vouloir conquérir les hommes sans chercher à leur plaire, sans se donner les apparences qu’ils estiment ?

Il y a plus. L’amour, hélas ! ne distingue jamais bien entre un homme et ses dépendances mondaines ; il est dupe des prestiges du luxe, habits et train de maison, comme de l’éclat d’un nom et d’un titre.

Il n’ignorait pas cela, celui qui fut l’amoureux de la duchesse de Castries et qui pendant quinze ans servit « l’Étrangère », la grande Dame lointaine.