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Théorie

rien n’est faux ! Alors je fis un retour sur moi-même ; et les observations relatives à la démarche que j’entassais depuis plusieurs jours furent illuminées par une lueur bien triste. Un démon moqueur me jeta cette horrible phrase de Rousseau : L’HOMME QUI PENSE EST UN ANIMAL DÉPRAVÉ !

Alors, en songeant derechef au port constamment audacieux de l’aigle, à la physionomie de la démarche en chaque animal, je résolus de puiser les vrais préceptes de ma théorie dans un examen approfondi de actu animalium. J’étais descendu jusqu’aux grimaces de l’homme, je remontai vers la franchise de la nature.

Et voici le résultat de mes recherches anatomiques sur le mouvement :

Tout mouvement a une expression qui lui est propre et qui vient de l’âme. Les mouvements faux tiennent essentiellement à la nature du caractère ; les mouvements gauches viennent des habitudes. La grâce a été définie par Montesquieu, qui, ne croyant parler que de l’adresse, a dit en riant : « C’est la bonne disposition des forces que l’on a. »

Les animaux sont gracieux dans leurs mouvements, en ne dépensant jamais que la somme de force nécessaire pour atteindre à leur but. Ils ne sont jamais ni faux ni gauches, en exprimant