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DE LA DÉMARCHE

mouvement funèbre chez les hommes obligés d’ensevelir leurs illusions. Je pensais à la magnificence avec laquelle les aigles déploient leurs ailes, démarche pleine d’audace, lorsque je vis une chèvre jouant en compagnie d’un jeune chat sur le gazon. En dehors du jardin se trouvait un chien qui, désespéré de ne pas faire sa partie, allait, venait, jappait, sautait. De temps à autre, la chèvre et le chat s’arrêtaient pour le regarder par un mouvement plein de commisération. Je pense vraiment que plusieurs bêtes sont chrétiennes pour compenser le nombre des chrétiens qui sont bêtes.

Vous me croyez sorti de la Théorie de la Démarche. Laissez-moi faire.

Ces trois animaux étaient si gracieux, qu’il faudrait pour les peindre tout le talent dont Charles Nodier a fait preuve dans la mise en scène de son lézard, son joli Kardououn, allant, venant au soleil, traînant à son trou les pièces d’or qu’il prend pour des tranches de carottes séchées. Aussi, certes, y renoncerai-je ! Je fus stupéfait en admirant le feu des mouvements de cette chèvre, la finesse alerte du chat, la délicatesse des contours que le chien imprimait à sa tête et à son corps. Il n’y a pas d’animal qui n’intéresse plus qu’un homme quand on l’examine un peu philosophiquement. Chez lui,