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DE LA DÉMARCHE

continua l’attitude de Mirabeau. M. de Chateaubriand incline la tête à gauche.

Après un mûr examen, je me déclare pour cette attitude. Je l’ai trouvée à l’état normal chez toutes les femmes gracieuses. La grâce (et le génie comporte la grâce) a horreur de la ligne droite. Cette observation corrobore notre sixième axiome.

Il existe deux natures d’hommes dont la démarche est incommutablement viciée : ce sont les marins et les militaires.

Les marins ont les jambes séparées, toujours près de fléchir, de se contracter. Obligés de se dandiner sur les tillacs pour suivre l’impulsion de la mer, à terre, il leur est impossible de marcher droit. Ils louvoient toujours : aussi commence-t-on à en faire des diplomates.

Les militaires ont une démarche parfaitement reconnaissable. Presque tous sont campés sur leurs reins comme un buste sur son piédestal ; leurs jambes s’agitent sous l’abdomen, comme si elles étaient mues par une âme subalterne chargée de veiller au parfait gouvernement des choses d’en bas. Le haut du corps ne paraît point avoir conscience des mouvements inférieurs. A les voir marcher, vous diriez le torse de l’Hercule Farnèse posé sur des roulettes, et qu’on amène au milieu d’un atelier. Voici