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DE LA DÉMARCHE

Aussi vous peindrais-je difficilement mon mépris pour l’homme affairé, allant vite, filant comme une anguille dans sa vase, à travers les rangs serrés des flâneurs. Il se livre à la marche comme un soldat qui fait son étape. Généralement, il est causeur, il parle haut, s’absorbe dans ses discours, s’indigne, apostrophe un adversaire absent, lui pousse des arguments sans réplique, gesticule, s’attriste, s’égayé. Adieu, délicieux mime, orateur distingué !

Qu’auriez-vous dit d’un inconnu qui communiquait transversalement à son épaule gauche le mouvement de la jambe droite, et réciproquement celui de la jambe gauche à l’épaule droite, par un mouvement de flux et de reflux si régulier, qu’à le voir marcher vous l’eussiez comparé à deux grands bâtons croisés qui auraient supporté un habit ? C’était nécessairement un ouvrier enrichi.

Les hommes condamnés à répéter le même mouvement par le travail auquel ils sont assujettis ont tous dans la démarche le principe locomotif fortement déterminé ; et il se trouve soit dans le thorax, soit dans les hanches, soit dans les épaules. Souvent le corps se porte tout entier d’un seul côté. Habituellement, les hommes d’étude inclinent la tête. Quiconque a lu la Physiologie du goût doit se souvenir de cette