Page:Balzac- Traité de la vie élégante - 1922.djvu/168

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
166
Théorie

Par un singulier contraste, après lui venait un homme qui allait, les mains croisées derrière le dos, les épaules effacées, tendues, les omoplates rapprochées ; il était semblable à un perdreau servi sur une rôtie. Il paraissait n’avancer que par le cou, et l’impulsion était donnée à tout son corps par le thorax.

Puis une jeune demoiselle, suivie d’un laquais, vint, sautant sur elle-même à l’instar des Anglaises. Elle ressemblait à une poule dont on a coupé les ailes, et qui essaye toujours de voler. Le principe de son mouvement semblait être à la chute de ses reins. En voyant son laquais armé d’un parapluie, vous eussiez dit qu’elle craignait d’en recevoir un coup dans la partie d’où partait son quasi-vol. C’était une fille de bonne maison, mais très gauche, indécente le plus innocemment du monde.

Ensuite je vis un homme qui avait l’air d’être composé de deux compartiments. Il ne risquait sa jambe gauche, et tout ce qui en dépendait, qu’après avoir assuré la droite et tout son système. Il appartenait à la faction des binaires. Évidemment son corps devait avoir été primitivement fendu en deux par une révolution quelconque, et il s’était miraculeusement mais imparfaitement ressoudé. Il avait deux axes, sans avoir plus d’un cerveau.