Page:Balzac- Traité de la vie élégante - 1922.djvu/167

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
165
DE LA DÉMARCHE

ner au faux mouvement introduit dans son économie par son ventre qui la domine.

EXEMPLE :

Henry Monnier aurait certainement fait la caricature de ce gros monsieur, en mettant une tête au-dessus d’un tambour et dessous les baguettes en X. Cet inconnu semblait, en marchant, avoir peur d’écraser des œufs. Assurément, chez cet homme, le caractère spécial de la démarche était complètement aboli. Il ne marchait pas plus que les vieux canonniers n’entendent. Autrefois, il avait eu le sens de la locomotion, il avait sautillé peut-être ; mais aujourd’hui le pauvre homme ne se comprenait plus marcher. Il me fit l’aumône de toute sa vie et d’un monde de réflexions. Qui avait amolli ses jambes ? D’où provenaient sa goutte, son embonpoint ? Étaient-ce les vices ou le travail qui l’avaient déformé ? Triste réflexion ! le travail qui édifie et le vice qui détruit produisent en l’homme les mêmes résultats. Obéissant à son ventre, ce pauvre riche semblait tordu. Il ramenait péniblement ses jambes, l’une après l’autre, par un mouvement traînant et maladif, comme un mourant qui résiste à la mort, et se laisse traîner de force par elle sur le bord de la fosse.