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DE LA DÉMARCHE

Mais les hommes sont beaucoup plus naïfs qu’ils ne le croient, et ceux qui se flattent de dissimuler leur vie intime sont des faquins. Si vous voulez dérober la connaissance de vos pensées, imitez l’enfant ou le sauvage, ce sont vos maîtres.

En effet, pour pouvoir cacher sa pensée, il faut n’en avoir qu’une seule. Tout homme complexe se laisse facilement deviner. Aussi tous les grands hommes sont-ils joués par un être qui leur est inférieur.

L’âme perd en force centripète ce qu’elle gagne en force centrifuge.

Or, le sauvage et l’enfant font converger tous les rayons de la sphère dans laquelle ils vivent à une idée, à un désir ; leur vie est monophile, et leur puissance gît dans la prodigieuse unité de leurs actions.

L’homme social est obligé d’aller continuellement du centre à tous les points de la circonférence ; il a mille passions, mille idées, et il existe si peu de proportion entre sa base et l’étendue de ses opérations, qu’à chaque instant il est pris en flagrant délit de faiblesse.

De là le grand mot de William Pitt : « Si j’ai fait tant de choses, c’est que je n’en ai jamais voulu qu’une seule à la fois. »

De l’inobservation de ce précepte ministériel