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grande cour des Messageries, rue Notre-Dame-des-Victoires, attendant une voiture, et sans me douter que j’allais être dans l’alternative d’écrire des niaiseries ou de faire d’immortelles découvertes. De toutes les courtisanes, la pensée est la plus impérieusement capricieuse : elle fait son lit, avec une audace sans exemple, au bord d’un sentier ; couche au coin d’une rue ; suspend son nid, comme l’hirondelle, à la corniche d’une fenêtre ; et, avant que l’amour ait pensé à sa flèche, elle a conçu, pondu, couvé, nourri un géant. Papin allait voir si son bouillon avait des yeux quand il changea le monde industriel en voyant voltiger un papier que ballottait la vapeur au-dessus de sa marmite. Faust trouva l’imprimerie en regardant sur le sol l’empreinte des fers de son cheval, avant de le monter. Les niais appellent ces foudroiements de la pensée un hasard, sans songer que le hasard ne visite jamais les sots.

J’étais donc au milieu de cette cour, où trône le mouvement, et j’y regardais avec insouciance les différentes scènes qui s’y passaient, lorsqu’un voyageur tombe de la rotonde à terre, comme une grenouille effrayée qui s’élance à l’eau. Mais, en sautant, cet homme fut forcé, pour ne pas choir, de tendre les mains au mur du bureau près duquel était la voiture, et de s’y appuyer