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— Oh ! la bonne plaisanterie ! s’écria madame Marion, avec un rire forcé. Comment, Cécile, ma petite chatte, vous pensez à l’inconnu !…

— Mais le mari, c’est toujours l’inconnu, dit vivement Olivier Vinet en faisant à mademoiselle Beauvisage un signe qu’elle comprit à merveille.

— Pourquoi ne penserais-je pas à lui ? demanda Cécile, ce n’est pas compromettant. Puis c’est, disent ces messieurs, ou quelque grand spéculateur, ou quelque grand seigneur… Ma foi ! l’un et l’autre me vont. J’aime Paris ! Je veux avoir voiture, hôtel, loge aux Italiens, etc.

— C’est cela ! dit Olivier Vinet, quand on rêve, il ne faut se rien refuser. D’ailleurs, moi, si j’avais le bonheur d’être votre frère, je vous marierais au jeune marquis de Cinq-Cygne qui me paraît un petit gaillard à faire joliment danser les écus et à se moquer des répugnances de sa mère pour les acteurs du grand drame où le père de notre président a péri si malheureusement.

— Il vous serait plus facile de devenir premier ministre !… dit madame Marion, il n’y aura jamais d’alliance entre la petite-fille des Grévin et les Cinq-Cygne !…

— Roméo a bien failli épouser Juliette ! dit Achille Pigoult, et mademoiselle est plus belle que…

— Oh ! si vous nous citez l’opéra ! dit naïvement Herbelot le notaire qui venait de finir son whist.

— Mon confrère, dit Achille Pigoult, n’est pas fort sur l’histoire du moyen âge…

— Viens, Malvina ! dit le gros notaire sans rien répondre à son jeune confrère.

— Dites donc, monsieur Antonin, demanda Cécile au sous-préfet, vous avez parlé d’Anicette, la femme de chambre de la princesse de Cadignan ?… la connaissez-vous ?

— Non, mais Julien la connaît : c’est la filleule de son père, et ils sont très-bien ensemble.

— Oh ! tâchez donc, par Julien, de nous l’avoir ; maman ne regarderait pas aux gages…

— Mademoiselle ! entendre, c’est obéir, dit-on en Asie