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passait une robe pour aller chez madame Marion, le père entendit sa fille faire les suppositions auxquelles il est si naturel aux jeunes personnes de se livrer en pareil cas. Puis, fatigué de sa journée, il alla se coucher lorsque la mère et la fille furent parties.


CHAPITRE XI

UNE VUE DU SALON MARION


Comme doivent le deviner ceux qui connaissent la France ou la Champagne, ce qui n’est pas la même chose, et, si l’on veut les petites villes, il y eut un monde fou chez madame Marion le soir de cette journée. Le triomphe du fils Giguet fut considéré comme une victoire remportée sur le comte de Gondreville, et l’indépendance d’Arcis en fait d’élection parut être à jamais assurée. La nouvelle de la mort du pauvre Charles Keller fut regardée comme un arrêt du ciel, et imposa silence à toutes les rivalités.

Antonin Goulard, Frédéric Marest, Olivier Vinet, monsieur Martener, enfin les autorités qui jusqu’alors avaient hanté ce salon dont les opinions ne leur paraissaient pas devoir être contraires au gouvernement créé par la volonté populaire en juillet 1830, vinrent selon leur habitude, mais possédés tous d’une curiosité dont le but était l’attitude de la famille Beauvisage.

Le salon, rétabli dans sa forme, ne portait pas la moindre trace de la séance qui semblait avoir décidé de la destinée de maître Simon.

À huit heures, quatre tables de jeu, chacune garnie de quatre joueurs, fonctionnaient. Le petit salon et la salle à manger étaient pleins de monde. Jamais, excepté dans les grandes occasions de bals ou de jours de fête, madame Marion n’avait vu ainsi des groupes à l’entrée du salon et formant comme la queue d’une comète.