Page:Balzac-Le député d'Arcis-1859.djvu/67

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Cécile était d’ailleurs bien faite, d’une taille moyenne et parfaitement proportionnée. Elle avait tressé ses cheveux châtains, selon la mode de 1839, en deux grosses nattes qui lui accompagnaient le visage et se rattachaient derrière la tête. Sa figure, pleine de santé, d’un ovale distingué, se recommandait par cet air aristocratique qu’elle ne tenait ni de son père ni de sa mère. Ses yeux, d’un brun clair, étaient entièrement dépourvus de cette expression douce, calme et presque mélancolique, si naturelle aux jeunes filles.

Vive, animée, bien portante, Cécile gâtait, par une sorte de positif bourgeois, et par la liberté de manières que prennent les enfants gâtés, tout ce que sa physionomie avait de romanesque. Néanmoins, un mari capable de refaire son éducation et d’y effacer les traces de la vie de province pouvait encore extraire de ce bloc une femme charmante. En effet, l’orgueil que Séverine mettait en sa fille, avait contrebalancé les effets de sa tendresse. Madame Beauvisage avait eu le courage de bien élever sa fille ; elle s’était habituée avec elle à une fausse sévérité qui lui permit de se faire obéir et de réprimer le peu de mal qui se trouvait dans cette âme.

La mère et la fille ne s’étaient jamais quittées ; ainsi Cécile avait, ce qui chez les jeunes filles est plus rare qu’on ne le pense, une pureté de pensée, une fraîcheur de cœur, une naïveté, réelles, entières et parfaites.

— Votre toilette me donne à penser, dit madame Beauvisage : Simon Giguet vous aurait-il dit quelque chose hier que vous m’auriez caché ?

— Eh bien ! dit Philéas, un homme qui va recevoir le mandat de ses concitoyens…

— Ma chère maman, dit Cécile à l’oreille de sa mère, il m’ennuie ; mais il n’y a plus que lui pour moi dans Arcis.

— Tu l’as bien jugé ; mais attends que ton grand-père ait prononcé, dit madame Beauvisage en embrassant sa fille dont la réponse annonçait un grand sens, tout en révélant une brèche faite dans son innocence par l’idée du mariage.