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jeu de cartes, avait rendu Séverine entièrement maîtresse de ses soirées.

L’arrivée de Cécile mit un terme à l’embarras de Philéas, qui s’écria : — Comme te voilà belle !

Madame Beauvisage se retourna brusquement et jeta sur sa fille un regard perçant qui la fit rougir.

— Ah ! Cécile, qui vous a dit de faire une pareille toilette ?… demanda la mère.

— N’irons-nous pas ce soir chez madame Marion ? Je me suis habillée pour voir comment m’allait ma nouvelle robe.

— Cécile ! Cécile ! fit Séverine, pourquoi vouloir tromper votre mère ?… Ce n’est pas bien, je ne suis pas contente de vous, vous voulez me cacher quelque pensée…

— Qu’a-t-elle donc fait ? demanda Beauvisage, enchanté de voir sa fille si pimpante.

— Ce qu’elle a fait ? je le lui dirai !… fit madame Beauvisage en menaçant du doigt sa fille unique.

Cécile se jeta sur sa mère, l’embrassa, la cajola, ce qui, pour les filles uniques, est une manière d’avoir raison.

Cécile Beauvisage, jeune personne de dix-neuf ans, venait de mettre une robe en soie gris de lin, garnie de brandebourgs en gris plus foncé, et qui figurait par devant une redingote. Le corsage à guimpe, orné de boutons et de jockeys, se terminait en pointe par devant, et se laçait par derrière comme un corset.

Ce faux corset dessinait ainsi parfaitement le dos, les hanches et le buste. La jupe, garnie de trois rangs d’effilés, faisait des plis charmants, et annonçait par sa coupe et sa façon la science d’une couturière de Paris. Un joli fichu, garni de dentelle, retombait sur le corsage. L’héritière avait autour du cou un petit foulard rose noué très-élégamment, et sur la tête un chapeau de paille orné d’une rose mousseuse. Ses mains étaient gantées de mitaines en filet noir. Elle était chaussée de brodequins en peau bronzée ; enfin, excepté son petit air endimanché, cette tournure de figurine, dessinée dans les journaux de mode, devait ravir le père et la mère de Cécile.