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Le pont d’Arcis est en bois. À cent mètres de ce pont, en remontant l’Aube, la rivière est barrée par un autre pont, sur lequel s’élèvent les hautes constructions en bois d’un moulin à plusieurs tournants.

Cet espace, entre le pont public et ce pont particulier, forme un grand bassin, sur les rives duquel sont assises de grandes maisons. Par une échancrure et au-dessus des toits, on aperçoit l’éminence sur laquelle sont assis le château d’Arcis, ses jardins, son parc, ses murs de clôture, ses arbres qui dominent le cours supérieur de l’Aube et les maigres prairies de la rive gauche.

Le bruit de l’Aube qui s’échappe au-delà de la chaussée des moulins par-dessus le barrage, la musique des roues contre lesquelles l’eau fouettée retombe dans le bassin en y produisant des cascades, animent la rue du Pont et contrastent avec la tranquillité de la rivière qui coule en aval entre les jardins de M. Grévin, dont la maison se trouve au coin du pont, sur la rive gauche, et le port où, sur la rive droite, les bateaux déchargent leurs marchandises devant une rangée de maisons assez pauvres, mais pittoresques.

L’Aube serpente dans le lointain entre des arbres épars ou serrés, grand ou petits, de divers feuillages, au gré des caprices des riverains.

La physionomie des maisons est si variée qu’un voyageur y trouverait un spécimen des maisons de tous les pays. Ainsi, au nord, sur le bord du bassin, dans les eaux duquel s’ébattent des canards, il y a une maison quasiment méridionale, dont le toit plie sous la tuilerie à gouttières en usage dans l’Italie ; elle est flanquée d’un jardinet soutenu par un coin de quai, dans lequel il s’élève des vignes, une treille et deux ou trois arbres. Elle rappelle quelques détails de Rome où, sur la rive du Tibre, quelques maisons offrent des aspects semblables.

En face, sur l’autre bord, est une grande maison à toit avancé, avec des galeries, qui ressemble à une maison suisse. Pour compléter l’illusion, entre cette construction et le déversoir, on aperçoit une vaste prairie ornée de ses peupliers et que traverse une petite route sablonneuse. En-