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les Beauvisage, et se moquaient d’eux en petit comité.

Tous deux en se promenant, ils venaient de deviner et de se communiquer le secret de la candidature de Simon Giguet ; car ils avaient compris, la veille, les espérances de madame Marion. Possédés l’un et l’autre du sentiment qui anime le chien du jardinier, ils étaient pleins d’une secrète bonne volonté pour empêcher l’avocat d’épouser la riche héritière dont la main leur avait été refusée.

— Dieu veuille que je sois le maître des élections, reprit le sous-préfet, et que le comte de Gondreville me fasse nommer préfet, car je n’ai pas plus envie que vous de rester ici, quoique je sois d’Arcis.

— Vous avez une belle occasion de vous faire nommer député, mon chef, dit Olivier Vinet à Marest… Venez voir mon père, qui sans doute arrivera dans quelques heures à Provins, et nous lui demanderons de vous faire prendre pour candidat ministériel…

— Restez ici, reprit Antonin, le ministère a des vues sur la candidature d’Arcis…

— Ah bah ! Mais il y a deux ministères : celui qui croit faire les élections et celui qui croit en profiter, dit Vinet.

— Ne compliquons pas les embarras d’Antonin, répondit Frédéric Marest en faisant un clignement d’yeux à son substitut.

Les quatre magistrats, alors arrivés bien au-delà de l’avenue des Soupirs, sur la place, s’avancèrent jusques devant l’auberge du Mulet, en voyant venir Poupart qui sortait de chez madame Marion.

En ce moment, la porte cochère de la maison vomissait les soixante-sept conspirateurs.

— Vous êtes donc allé dans cette maison ? lui dit Antonin Goulard en lui montrant les murs du jardin Marion qui bordent la route de Brienne en face des écuries du Mulet.

— Je n’y retournerai plus, monsieur le sous-préfet, répondit l’aubergiste ; le fils de monsieur Keller est mort, je n’ai plus rien à faire. Dieu s’est chargé de faire la place nette…

— Eh bien ! Pigoult ?… fit Olivier Vinet en voyant venir toute l’opposition de l’assemblée Marion.

— Eh bien ! répondit le notaire sur le front de qui la