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dre qu’il a pris de lui-même la parole, et c’est contre les usages parlementaires, dit Achille Pigoult.

— Je ne crois pas nécessaire de rappeler à l’ordre le colonel… dit Beauvisage. Il est père…

Le silence se rétablit.

— Nous ne sommes pas venus ici, s’écria Fromaget, pour dire amen à tout ce que voudraient messieurs Giguet, père et fils…

— Non ! non ! cria l’assemblée.

— Ça va mal ! dit madame Marion à sa cuisinière.

— Messieurs, reprit Achille, je me borne à demander catégoriquement à mon ami Simon Giguet ce qu’il compte faire pour nos intérêts !…

— Oui ! oui !

— Depuis quand, dit Simon Giguet, de bons citoyens comme ceux d’Arcis voudraient-ils faire métier et marchandise de la sainte mission de député ?…

On ne se figure pas l’effet que produisent les beaux sentiments sur les hommes réunis. On applaudit aux grandes maximes, et l’on n’en vote pas moins l’abaissement de son pays, comme le forçat qui souhaite la punition de Robert-Macaire en voyant jouer la pièce, n’en va pas moins assassiner un monsieur Germeuil quelconque.

— Bravo ! crièrent quelques électeurs Giguet pur sang.

— Vous m’enverrez à la chambre, si vous m’y envoyez, pour y représenter des principes, les principes de 1789 ! pour être un des chiffres, si vous voulez, de l’opposition, mais pour voter avec elle, éclairer le gouvernement, faire la guerre aux abus, et réclamer le progrès en tout…

— Qu’appelez-vous progrès ? Pour nous, le progrès serait de mettre la Champagne pouilleuse en culture, dit Fromaget.

— Le progrès ! je vais vous l’expliquer comme je l’entends, cria Giguet exaspéré par l’interruption.

— C’est les frontières du Rhin pour la France, dit le colonel, et les traités de 1815 déchirés !

— C’est de vendre toujours le blé fort cher et de laisser toujours le pain à bon marché, cria railleusement Achille