Page:Balzac-Le député d'Arcis-1859.djvu/348

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sieur Octave de Camps, qui, avec ses vilaines forges, comme les appelait madame de l’Estorade, était devenu une façon d’homme des bois, arrivait à Paris fort ardent à ce plaisir que sa femme, esprit sérieux et posé, était loin de goûter au même degré.

Lors donc que monsieur de Camps parla d’aller voir à la Porte-Saint-Martin une féerie qui faisait alors courir tout Paris :

— Ni moi, ni madame de l’Estorade, répondit madame Octave, n’avons la moindre envie de sortir ; nous nous sentons très-fatiguées de notre promenade, et nous donnons nos places & René et à Naïs, que les miracles de la Fée aux Roses réjouiront bien plus que nous.

Les deux enfants attendirent avec une anxiété que l’on peut croire, la ratification de cet arrangement, auquel madame de l’Estorade ne résista point ; de cette façon, quelques minutes plus tard, les deux amies qui, depuis l’arrivée de madame de Camps à Paris, n’avaient pu dérober à leur entourage un vrai tête-à-tête, avaient fini par se ménager une bonne soirée de causerie.

— Je n’y suis pour personne, dit madame de l’Estorade à Lucas, aussitôt que son monde fut envolé ; puis, prenant pour point de départ à la grave conversation qui allait suivre la dernière phrase prononcée, avant le dîner, par madame Octave :

— Vous avez, chère madame, lui dit-elle, de charmants axiomes bien acérés, et qui vont droit à l’adresse des gens comme de belles petites flèches !

— Maintenant que nous sommes seules, répliqua madame de Camps, c’est à coups de massue que je vais procéder, car je n’ai pas fait, comme vous pensez bien, deux cents lieues, et laissé là toute la surveillance de nos intérêts, où, pendant ses absences, monsieur de Camps m’a très-bien dressée à le remplacer, pour venir vous dire la vérité dans du coton.

— Prête à tout entendre, ma chère belle, dit madame de l’Estorade en serrant la main de celle qu’elle appelait sa chère directrice.