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s’entremettent dans les choses qui se disent devant elles, un peu plus souvent qu’il ne faudrait.

— Naïs, dit madame de l’Estorade, — allez dire à Mary de relever vos cheveux.

L’enfant comprit très-bien qu’on la renvoyait à sa bonne anglaise pour avoir indûment pris la parole, et elle sortit en faisant une petite moue.

— Ce matin, dit madame de l’Estorade, aussitôt que Naïs eut refermé la porte sur elle, monsieur Marie-Gaston et monsieur de Sallenauve devaient partir ensemble pour Ville-d’Avray, afin de nous y recevoir, ainsi que cela avait été convenu. Dans la soirée d’hier, ils ont eu la visite de cet organiste, qui a été si actif dans l’élection de monsieur de Sallenauve ; il venait pour entendre la belle gouvernante italienne et juger si elle était mûre pour un début.

— Ah ! oui, dit monsieur de l’Estorade, nous voudrions la colloquer quelque part, maintenant que nous ne faisons plus de statues.

— Comme vous dites, reprit madame de l’Estorade avec une nuance de sécheresse ; pour couper court aux calomnies, monsieur de Sallenauve voulait la mettre en mesure de poursuivre son idée d’entrer au théâtre, mais il désirait au préalable avoir l’avis d’un juge qu’on dit extrêmement compétent. Accompagnés de l’organiste, messieurs Marie-Gaston et Sallenauve se rendirent à Saint-Sulpice, où, pendant les exercices du mois de Marie, la belle Italienne chante tous les soirs. Après l’avoir entendue : — C’est une contralto, dit l’organiste, qui a, au bas mot, soixante mille francs dans sa voix.

— Juste le revenu de mes forges ! remarqua monsieur Octave de Camps.

— Au retour de l’église, reprit madame de l’Estorade, monsieur de Sallenauve fit part à la belle gouvernante du jugement qui venait d’être porté sur son talent, et, avec tout le ménagement possible, il lui insinua qu’elle devait prochainement penser à s’en faire un moyen d’existence, ainsi qu’elle en avait toujours eu l’idée. — Oui, je crois que le