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On savait que, dans la réunion préparatoire dont avait été précédée l’élection, il avait fait preuve de talent. Pour un parti remuant et dangereux, qui n’avait dans la Chambre qu’un nombre imperceptible de représentants, il pouvait devenir un organe assez retentissant. Par sa position de fortune, quelle qu’en fût l’origine, il était en mesure de se passer des faveurs du gouvernement, et tous les renseignements obtenus sur lui le présentaient comme difficile à détourner de sa voie, attendu une certaine gravité de mœurs et de caractère.

D’un autre côté ; le brouillard qui planait sur sa Vie pouvait, à un moment donné, servir à le neutraliser et, tout en ayant l’air d’écarter avec vivacité l’idée de l’attaquer par ce côté, Rastignac, à part lui, ne renonçait pas à l’emploi d’un moyen que seulement il trouvait d’un maniement difficile ; il ne voulait se servir de cette ressource qu’autant que la nécessité en serait démontrée.

Dans cette situation, madame de l’Estorade pouvait servir à deux fins : par elle, il paraissait facile d’avoir avec le nouveau député une rencontre fortuite, où on l’étudierait à son aise, de manière à savoir si, par un point quelconque, il était accessible à une idée d’accommodement.

Cette chance restant peu probable, il était au moins facile, en faisant à madame de l’Estorade une confidence amicale et officieuse des menées souterraines qui semblaient se préparer contre Sallenauve, de rendre celui-ci plus circonspect, par conséquent moins agressif. Tout cela naturellement se déduisait de la démarche qu’allait faire le ministre. En ayant l’air de venir excuser les paroles désobligeantes de monsieur de Ronquerolles, il amènerait sur le tapis de la façon du monde la moins cherchée, l’homme qui en avait été l’occasion et l’objet, et, une fois la conversation dans ce rail, il faudrait être bien maladroit pour ne pas obtenir l’un ou l’autre des résultats et peut-être même à la fois les deux résultats désirés.

Mais le plan de monsieur de Rastignac dut souffrir quelque modification. Le domestique, qui venait de parler au concierge de la maison, était en train de lui répondre que