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recevais l’assurance que nous n’avions pas même eu affaire à une échauffourée, et enfin qui s’offre comme le seul homme par lequel puisse être sauvé l’avenir de la dynastie ?

— De telle sorte que vous l’avez mal reçu ?

— C’est-à-dire que j’ai fini par l’éconduire un peu vivement, en suite de son insistance. En somme, c’est une visite qui, d’aucune façon, ne pouvait m’être agréable ; mais quand, après lui avoir fait remarquer qu’il occupait des fonctions auxquelles il était éminemment propre, dont il s’acquittait avec une parfaite habileté, et qui devaient être la limite extrême de son ambition, ce maniaque me répond que, si on n’accepte pas ses services, la France va à un abîme, vous comprenez que je n’avais qu’une chose à lui dire : c’est que nous espérions bien la sauver sans lui.

— Enfin, c’est fait, dit le colonel ; maintenant, si vous voulez me permettre d’entrer dans quelques explications…

Le ministre, qui était assis devant son bureau, le dos tourné à la cheminée, se pencha en arrière pour regarder la pendule.

— Écoutez, mon cher, dit-il après avoir vu l’heure, je me doute que vous serez long, et j’ai là, à côté, une meute altérée ; même en vous donnant beaucoup de temps, je vous écouterais mal, faites-moi la grâce d’aller vous promener jusqu’à midi et de revenir à l’heure du déjeuner ; je vous présenterai à madame de Rastignac, que vous ne connaissez pas, je crois, et, en sortant de table, nous ferons quelques tours de jardin ; là je serai tout à vous et pour tout le temps qui sera nécessaire.

— Va pour cet arrangement ! dit le colonel en se levant.

Comme il traversait le salon d’attente :

— Messieurs, dit-il, je n’ai pas été long, j’espère.

Et, après avoir distribué deux ou trois poignées de main, il sortit.

Trois heures après, quand le colonel entra dans le salon où il fut présenté à madame de Rastignac, il y trouva Nucingen, le beau-père du ministre, qui venait presque tous