Page:Balzac-Le député d'Arcis-1859.djvu/324

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Nucingen étant le produit peu attrayant et peu moral d’une de ces liaisons immorales qui trouvent conjugalement leur issue dans la vie de la fille, après que dans la vie de la mère elles se sont éternisées jusqu’à l’époque où les années et une satiété déjà ancienne les ont amenées à un état complet de dessèchement et de paralysie.

Presque toujours, à ces mariages de convenance où doit s’opérer le transport de l’amour à la seconde génération, le mari se prête de bonne grâce, car il échappe à un bonheur qui a ranci, et profite de la spéculation proposée par ce magicien des Mille et une Nuits, qui allait offrant par les rues d’échanger ses lampes neuves contre des vieilles.

Mais la femme qui subit un arrangement tout contraire, qui, entre elle et son mari, doit toujours sentir un souvenir vivant… et qui peut revivre ; qui, même en dehors de l’empire des sens, a la conscience d’une vieille domination formant antagonisme à sa jeune influence, la femme n’est-elle pas presque toujours une victime, et peut-on lui croire un empressement bien passionné pour la possession des reliefs maternels ?

Le temps à peu près que nous avons pu mettre à cette briève analyse d’une situation conjugale assez répandue, Rastignac avait attendu à la porte.

— Allons, dit-il en prenant le parti de se retirer, bonne nuit, Augusta !

Comme il laissait tomber piteusement cet adieu, la porte s’ouvrit brusquement, et sa femme, se jetant dans ses bras, resta la tête appuyée sur son épaule en poussant des sanglots.

La question était ainsi résolue : madame de Rastignac aimait son mari ; mais on n’en sentait pas moins le grondement lointain d’un joli petit enfer sous les fleurs de ce paradis.