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Il salua cérémonieusement madame de Rastignac et sortit avec le reste des assistants.

— Tu as bien vu son embarras, dit Rastignac à sa femme, aussitôt qu’ils furent seuls ; il était à mille lieues d’y mettre une malicieuse intention.

— Il n’importe. Je le disais tout à l’heure à madame de l’Estorade, votre vie de jeune homme vous a légué de bien détestables relations.

— Eh ! ma chère ! tous les jours le roi fait bonne mine à des gens qu’il enfermerait de tout cœur à la Bastille, s’il y avait encore une Bastille, et que la charte le lui permît.

Madame de Rastignac ne répondit rien, et sans dire bonsoir à son mari, elle monta dans sa chambre à coucher.

Un peu après, le ministre se présentait à une porte qui n’était pas la porte officielle, et n’y trouvant pas de clef :

— Augusta ! fit-il de la voix qu’eût prise en pareil cas le plus simple bourgeois de la rue Saint-Denis.

Pour toute réponse, il entendit pousser vivement un verrou.

— Ah ! fit-il en lui-même, avec un geste de dépit, il y a des passés qui ne ressemblent pas à cette porte, ils sont toujours grands ouverts sur le présent.

Puis, après un moment de silence, pour couvrir sa retraite :

— Augusta, reprit-il, je voulais vous demander à quelle heure on trouve chez elle madame de l’Estorade. J’ai l’intention demain de lui faire une visite après ce qui s’est passé.

— À quatre heures, cria la jeune femme à travers la porte, au retour des Tuileries, où elle va tous les jours promener ses enfants.

Une des questions qui, depuis le mariage de madame de Rastignac, s’étaient faites le plus souvent dans le monde parisien, était celle-ci : Madame de Rastignac aime-t-elle son mari ?

Le doute était permis, le mariage de mademoiselle de