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il me faut donc une occasion, une rencontre. Du reste, que n’en parlez-vous à Rastignac, qui lui ferait donner l’ordre d’agir ?

— Vous le comprenez, Rastignac va très-mal me recevoir ; je lui avais d’avance assuré un succès, et je lui rapporte un échec ; dans la ressource dont je m’avise, il verra un de ces rêves creux auxquels on se cramponne pour couvrir une défaite ; enfin, de toute manière, j’aimerais mieux ne devoir ce service qu’à votre vieille amitié.

— Mais elle ne vous fait pas défaut, dit le colonel en se levant, je ferai de mon mieux pour vous contenter, seulement il faut un délai.

La visite avait duré longtemps. Maxime se tint pour dit qu’il devait l’abréger, et prit congé, mais avec une nuance de refroidissement dont le colonel ne se préoccupa pas beaucoup.

Aussitôt que monsieur de Trailles fut parti, Franchessini alla prendre un valet de pique, qu’il découpa bizarrement, de manière à laisser subsister entière la figure imprimée sur la carte. Placée ensuite entre deux papiers épais, cette espèce d’hiéroglyphe fut confiée à une enveloppe. Sur cette enveloppe, en déguisant son écriture, le colonel mit pour suscription :

Monsieur de Saint-Estève, petite rue Saint-Anne, près le quai des Orfèvres.

Cela fait, il sonna, donna l’ordre qu’on dételât sa voiture qu’il avait demandée avant l’arrivée de Maxime, et sortant à pied, dans la première boîte aux lettres qu’il trouva sur son chemin, il jeta sa singulière missive. Il avait pris soin, au préalable, de regarder s’il l’avait solidement cachetée.


CHAPITRE XXI

UNE CONVERSATION ENTRE ONZE HEURES ET MINUIT


À la suite des élections qui venaient de finir, le ministère contre son attente conservait dans la Chambre une majorité,