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avait été faite dans la réunion préparatoire à Sallenauve, et sa réponse avait quelque chose de prophétique.

Jacques Bricheteau a eu l’idée de faire imprimer sur un petit papier, aussitôt distribué à profusion :

« Une émeute sanglante a éclaté hier dans paris.

» Interpellé sur l’emploi de ce moyen d’opposition coupable et désespéré, l’un de nos candidats, monsieur de Sallenauve, à l’heure même où grondaient les coups de fusil, répondait ces propres paroles. »

Suivaient les quelques phrases de Sallenauve, que je vous ai rapportées. Puis, en grosses lettres :

« L’émeute a été vaincue : à qui profitera-t-elle ?  »

Ce petit papier a fait merveille et déjoué les efforts suprêmes de monsieur de Trailles, qui, se démasquant tout à fait, a passé sa journée à pérorer en gants blancs sur la place du Marché et à la porte du collège électoral.

Ce soir le résultat est connu. Votants : 201 voix ; Beauvisage a eu 2 voix ; Simon Giguet 29, et Sallenauve 170.

En conséquence, monsieur Charles de Sallenauve a été proclamé député.


CHAPITRE XX

LES CHAGRINS DE MONSIEUR DE TRAILLES


Dans la soirée qui suivit l’élection où il venait de jouer un rôle si humiliant pour son amour-propre, Maxime de Trailles était reparti pour Paris.

En le voyant faire, dès son arrivée, une rapide toilette et demander aussitôt sa voiture, on pourrait croire à une visite chez le comte de Rastignac, ministre des travaux publics, auquel il va rendre compte de sa mission et en expliquer le mauvais succès.

Mais un autre intérêt plus pressant paraît le réclamer.