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— Je l’ai charmée par mon talent de virtuose ; elle en sèche, de moi.

— Alors, puisque c’est ta femme, tu devrais bien la faire poser pour notre ami Dorlange, qui médite en ce moment une Pandore. Jamais il ne trouvera un modèle aussi magnifique.

— Ça peut s’arranger, répondit l’Italien.

Puis il entame une de ses plus réjouissantes pantalonnades, qui fait perdre de vue la proposition dont il s’était si peu ému.

Le lendemain, j’étais dans mon atelier, en la compagnie de quelques peintres et sculpteurs, mes condisciples, quand nous voyons entrer Benedetto, qu’accompagne une femme d’une rare beauté. Je n’ai pas besoin, madame, de vous la dépeindre, vous l’avez vue.

Un joyeux hourra avait accueilli l’Italien qui, s’adressant à moi, me dit :

Ecco la Pandora ! Hein ! comment la trouvez-vous ?

— Admirablement belle ; mais voudra-t-elle poser ?

— Pouh ! fit Benedetto d’un air qui voulait dire : Je voudrais bien voir qu’elle s’y refusât !

— Mais, remarquai-je, alors ça doit se payer cher, un modèle de cette beauté.

No, per l’onore ; seulement, vous tirerez mon buste, une simple terre couite que vous lui ferez présent.

— Eh bien ! messieurs, dis-je à l’assistance, vous allez nous laisser un peu seuls.

Personne ne m’entendit ; jugeant de la femme par le mari, tous mes jeunes affamés s’empressaient insolemment autour de la belle Italienne, qui, rouge, émue et blessée de l’audace de tous ces regards, avait un peu l’air d’une panthère encagée et tourmentée par des paysans sur un champ de foire.

Allant à elle et la tirant à l’écart, Benedetto lui dit en Italien que le seigneur français voulait faire son portrait de la tête aux pieds, et qu’elle eût à se débarrasser de ses vêtements.

L’Italienne le toisa d’un regard foudroyant et se mit en devoir de gagner la porte.

Benedetto se précipite pour la retenir, pendant que, ver-