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la figure comme la mémoire de Danton ont secoué la tache rougeâtre que septembre avait déposée sur elles. Tombé, à trente-cinq ans, de plain-pied dans la postérité, Danton y laissera le souvenir d’une grande intelligence, d’un caractère puissant et fort, de belles qualités privées, de plus d’une action généreuse ; toutes choses qui furent de lui, tandis que ses sanglantes erreurs durent être une contagion de son époque. En un mot, avec les hommes de cette trempe, injuste serait la justice qui se refuserait de se tempérer d’indulgence ; et, du reste, messieurs, mieux que vous, mieux que moi, mieux que tous les orateurs et historiens, une femme a jugé et compris Danton, c’est celle qui, dans un adorable élan de charité, a dit aux impitoyables : « Il est allé à Dieu ! prions pour le repos de son âme. »

Le piège ainsi esquivé, au moyen de l’adroit rappel de la mère Marie-des-Anges, et l’assemblée évidemment satisfaite, on pouvait croire le candidat au bout de son épreuve. Déjà même le colonel se disposait à proposer de passer au vote, quand plusieurs électeurs réclamèrent, en déclarant qu’ils avaient encore deux explications importantes à demander au candidat.

Sallenauve avait dit que toujours il se trouverait sur le chemin des escamotages essayés par le pouvoir royal contre les institutions. On voulait savoir ce qu’il entendait par cette résistance : était-ce une résistance armée, des émeutes, des barricades ?

— Les barricades, répondit Sallenauve, m’ont presque toujours paru des machines qui d’elles-mêmes se retournent pour broyer ceux qui les dressent ; il faut bien croire qu’il est dans la nature des émeutes de servir presque toujours aussi les intérêts des gouvernements, puisque jamais je n’ai vu la police manquer d’être accusée de les avoir faites. Ma résistance, à moi, sera toujours la résistance légale, par les moyens légaux, la presse, la tribune et la patience, cette grande force des opprimés et des vaincus.

Si vous saviez le latin, madame, je vous dirais : In caudâ venenum, c’est-à-dire dans la queue du serpent le venin, remarque de l’antiquité que la science moderne n’a point