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vernements, mais il ne la croit pas possible à établir en France ; partant il ne la désire pas. Il pense qu’un gouvernement vraiment parlementaire, où la politique de camarilla serait assez vigoureusement muselée pour qu’on n’eût rien à craindre de ses éternelles échappées et de ses incessantes entreprises, peut largement pourvoir à la dignité et à la prospérité d’une nation. La liberté, l’égalité, ces deux grands principes qui ont triomphé en 89, reçoivent d’un pareil gouvernement toutes les garanties sérieuses. Quant aux escamotages que le pouvoir royal peut vouloir pratiquer contre eux, il n’appartient pas aux institutions de les prévenir. C’est aux hommes, c’est aux mœurs, bien plus qu’aux lois à aviser en pareil cas, et lui, Sallenauve, sera toujours un de ces obstacles vivants. Il se déclare partisan chaleureux de la liberté d’enseignement, croit qu’il y a encore des économies à réaliser dans le budget, et qu’il y a à la Chambre trop de fonctionnaires, et surtout que le château y est trop représenté. Pour garder son indépendance, il est décidé à n’accepter aucun emploi, aucune faveur du gouvernement. Ceux qui l’auront nommé ne doivent pas non plus s’attendre à le voir jamais se charger pour eux d’une démarche qui ne soit pas entièrement ratifiée par la raison et par la justice. On a dit que le mot impossible n’était pas français. Il y a pourtant pour lui une impossibilité qu’il connaît, et devant laquelle il s’honorera toujours de s’arrêter, c’est celle de l’injustice, et celle de l’atteinte même la plus lointaine portée au bon droit. (Bruyants applaudissements.)

Le silence une fois rétabli :

— Monsieur, dit un des électeurs, après avoir obtenu la parole de monsieur le président, vous avez dit que vous n’accepteriez aucun emploi du gouvernement. N’est-ce pas là impliquer un blâme contre les fonctionnaires ? Je m’appelle Godivet, je suis receveur de l’enregistrement, et je ne crois pas cependant pour cela devoir encourir le mépris de mes honorables concitoyens.

Réponse de Sallenauve :

— Je suis heureux, monsieur, d’apprendre que le gou-