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querait une idée de non patriotisme, et elle pourrait gravement compromettre l’élection.

Beaucoup d’électeurs aussi vont là uniquement pour jouir de l’embarras des prétendants. Les tenant, comme ils disent, sur la sellette, ils comptent s’en amuser comme les enfants de leur hanneton, ou comme, autrefois, les vieux juges, et encore, aujourd’hui, les jeunes médecins, d’une torture criminelle, d’une autopsie ou d’une opération.

Plusieurs n’ont pas des goûts si relevés : ils sont venus uniquement pour jouir du tapage, de la confusion de voix, presque toujours certains en pareille rencontre ; il en est qui voient une occasion d’avoir le placement de quelque talent agréable ; ainsi, au moment, malheureusement trop fréquent, où, comme disent les comptes-rendus de la Chambre des députés, le tumulte est à son comble, il n’est pas rare d’entendre imités, à miracle, le chant du coq ou le cri de détresse du chien auquel on a marché sur la patte. L’intelligence, qui seule devrait être appelée à l’électorat, ayant, comme d’Aubigné, le frère de madame de Maintenon, reçu son bâton en argent, faut-il s’étonner que, parmi les électeurs, se rencontrent des gens stupides, et ceux-ci ne sont-ils pas assez nombreux, dans le monde, pour avoir aussi la prétention d’être représentés ?

La réunion a eu lieu dans une salle assez vaste, où un traiteur de l’endroit donne tous les dimanches à danser ; l’orchestre y forme une sorte de tribune réservée dans laquelle put être admis un peu de public, non électeur ; je fus un de ces privilégiés. Quelques dames avaient pris place sur le devant ; madame Marion, tante de l’avocat Giguet, l’un des candidats ; madame et mademoiselle Mollont, femme et fille du greffier du tribunal, quelques autres dont le nom et la qualité m’échappent, mais madame et mademoiselle Beauvisage avaient fait comme Brutus et Cassius, elles brillaient par leur absence.

Avant que la candidature de monsieur Beauvisage se fût produite, celle de monsieur Simon Giguet paraissait avoir les plus grandes chances ; maintenant, avec celle de notre ami Sallenauve, qui, à son tour, a distancé monsieur le maire,