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ami Grévin ; et, dans la journée, celui-ci dit à plusieurs personnes que décidément son gendre était par trop stupide, qu’il venait encore de se compromettre avec l’histoire de cette Parisienne, et qu’il n’y aurait jamais rien à faire de lui.

En même temps on a été informé que les curés des deux paroisses avaient reçu, par les mains de la mère Marie-des-Anges, une somme de mille écus à se partager entre leurs pauvres, et à elle remise par un bienfaiteur qui désirait ne pas être connu.

Sallenauve est furieux, parce que quelques-uns de nos agents s’en vont disant partout qu’il est ce bienfaiteur anonyme, et bien des gens le croient, quoique l’histoire du billet Keller ait beaucoup couru, et que l’honneur de cette générosité pût être facilement reporté à son auteur véritable.

Mais quand on a une fois le vent en poupe, on ne peut le mesurer mathématiquement à chaque voile, et souvent il faut en prendre plus qu’on n’en veut.

Monsieur Maxime de Trailles ne décolère pas ; il y a tout lieu de croire que l’échec, qu’il doit voir maintenant inévitable, enterre avec lui son mariage. Il faut dire de sa mésaventure la phrase consacrée pour les auteurs malheureux, que c’est un homme d’esprit qui prendra sa revanche.

Quel curieux homme, madame, que cet organiste, qui comme un de nos grands médecins, dont il n’est pourtant pas parent, s’appelle Bricheteau. On n’a pas plus d’activité, plus de présence d’esprit, plus de dévouement et plus d’intelligence, et il n’y a pas deux hommes en Europe qui touchent de l’orgue comme lui. Vous qui ne voulez pas que Naïs soit une pianoteuse, vous devriez bien le lui donner pour maître. Voilà un homme qui lui apprendrait vraiment la musique, et celui-ci ne vous paraîtrait pas d’une grandeur inquiétante, car il a autant de modestie que de talent : auprès de Sallenauve c’est un caniche ; aussi adroit, aussi fidèle, et je dirais aussi laid, si avec une physionomie bonne et ouverte comme la sienne on pouvait ne pas être tenu pour beau.