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me les demandent pas, et qui peuvent être un jour de bien plus grandes saintes que moi. Voilà tout le mystère d’une entrevue avec la mère Marie-des-Anges, qui vous salue en Notre-Seigneur Jésus-Christ. † »

Vous comprenez, madame, qu’à une invitation si gracieusement faite, on ne résiste pas ; et bientôt, dans la toilette la plus sévère qu’elle eût pu imaginer, mademoiselle Antonia était rendue au couvent.

Je voudrais bien pouvoir vous dire tout le détail de cette entrevue, qui, à coup sûr, dut être curieuse ; mais personne n’y assistait, et l’on n’a rien pu en savoir que ce qui a été conté par la brebis égarée, laquelle en revint émue et touchée jusqu’aux larmes. Comme le journaliste voulait la plaisanter sur ses airs de nouvelle convertie :

— Tiens ! tais-toi, lui répondit mademoiselle Antonia, tu n’as jamais de ta vie écrit une phrase pareille.

— Voyons la phrase !

— Allez, mon enfant, m’a dit cette bonne vieille, les voies de Dieu sont bien belles et bien peu connues, et souvent dans une Madeleine il y a plus l’étoffe d’une sainte que dans une religieuse.

Et je dois constater, madame, qu’en répétant ces belles paroles, la voix de la pauvre fille s’altéra et qu’elle fut forcée de porter son mouchoir à ses yeux.

Le journaliste, lui, un de ces misérables, la honte de la presse, qui ne doivent pas être plus confondus avec elle qu’un mauvais prêtre avec la religion, le journaliste se mit à rire, et, avisant aussitôt un danger :

— Ah çà ! quand définitivement retournes-tu à Gondreville pour parler à ce Keller, que je finirai par éreinter dans le coin de quelque article, nonobstant toutes les recommandations contraires de Maxime ?

— Est-ce que je fais de ces saletés-là ! répondit Antonia avec dignité.

— Comment ! maintenant tu ne présentes plus ton billet ?

— Moi, répondit l’admiratrice et probablement l’écho de la mère Marie-des-Anges, mais dans sa langue à elle, aller faire chanter une famille au désespoir ; mais à mon lit de