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seulement de la seconde main par l’hôtesse de la Poste, à laquelle ils ont été confiés par mademoiselle Antonia d’une manière sans doute plus cohérente et plus lumineuse. Toujours est-il que monsieur de Trailles et mademoiselle Chocardelle se sont séparés brouillés, et qu’à présent la dernière se croit en droit de parler de lui avec la légèreté et le manque absolu de mesure dont vous aurez été frappée ainsi que moi.

Les choses même, depuis la première explosion de mademoiselle Antonia, semblent avoir été poussées à ce point que monsieur de Trailles, par suite de ce propos ou autres équivalents, voyant sa considération gravement compromise, aurait prié le journaliste avec qui naturellement il a des relations fréquentes, de morigéner un peu son indiscrète compagne ; mais celle-ci n’en a tenu compte, et par l’action incessante d’une foule de mots et d’anecdotes elle produit à notre profit, je ne dirai pas l’effet d’une contre-mine, mais l’effet continu d’une contre-Maxime au moyen de laquelle l’action vénéneuse de notre terrible adversaire se trouve constamment paralysée.

Ce n’est pas tout, et voici un autre service que nous aura rendu la présence de mademoiselle Chocardelle à Arcis.

L’affaire de sa rentrée traîne en longueur ; deux fois elle s’est présentée à Gondreville ; jamais elle n’y a été reçue. Le journaliste a beaucoup à faire : d’abord ses articles et ensuite un certain nombre de démarches que demande de lui monsieur de Trailles, à la disposition duquel il a été mis.

Mademoiselle Antonia est donc souvent seule, et dans le désœuvrement et l’ennui que lui causent sa solitude aussi bien que l’absence de tout Opéra, de tout Ranelagh et de tout boulevard Italien, elle a été induite à se créer une distraction vraiment désespérée. Ressource presque incroyable, ce passe-temps toutefois n’a rien d’impossible à comprendre dans l’existence d’une Parisienne de son espèce, déportée à Arcis.

À deux pas de l’hôtel de la Poste existe un pont jeté sur l’Aube. En aval de ce pont, par une pente assez rapide, mais dans laquelle a été pratiqué un sentier, on arrive jus-